shadow

Paul de Tarse

Paul de Tarse

24 août 2020

La vie de Paul

Lorsque nous lisons le Nouveau Testament, nous percevons que l’Ɠuvre de Paul est d’une grande envergure. Ses rĂ©cits sont d’une grande inspiration pour la vie chrĂ©tienne. Nous ne devons pas dĂ©considĂ©rer la place qu’occupe l’Ɠuvre de Paul dans l’Église primitive. Apprendre sur la vie de l’apĂŽtre Paul, son cheminement intellectuel, sa vie spirituelle, sa foi en Dieu avant sa rencontre avec le Christ sur le chemin qui conduisait Ă  Damas est une chose extraordinaire, car cet homme a vu sa vie transformĂ©e littĂ©ralement Ă  la suite de cette miraculeuse visitation.

Le parcours de la vie de Paul et son histoire sont marquĂ©s par sa rĂ©demption en JĂ©sus-Christ et nous montrent que nous pouvons tous rencontrer la grĂące de Dieu, celle qui sauve tout homme pĂ©cheur. La rencontre de Paul avec le Seigneur JĂ©sus-Christ atteste que personne n’est hors de la portĂ©e de la grĂące salvatrice de Dieu. Lui qui n’a pas une seule fois cru que JĂ©sus Ă©tait le Messie, mais qui Ă©tait un blasphĂ©mateur, va rencontrer le Christ qu’il haĂŻssait et persĂ©cutait sur le chemin vers sa mission pour dĂ©truire les chrĂ©tiens Ă  Damas. Nous savons tous que, nulle part dans la Bible, il est mentionnĂ© que Paul avait intercĂ©dĂ© pour rencontrer JĂ©sus-Christ sur la route de Damas. Mais la grĂące de Dieu l’a retrouvĂ© sur ce chemin vers la mauvaise direction.

Toutefois, parler de la vie de Paul n’est pas si simple. Pour comprendre qui il Ă©tait, nous devons retourner dans son passĂ©, avant sa conversion Ă  la foi chrĂ©tienne. Nous devons aussi prendre en compte les aspects les plus tĂ©nĂ©breux de sa vie et ce qu’il reprĂ©sentait avant de devenir l’apĂŽtre de la grĂące.

La vie de Paul s’est distinguĂ©e dans son bas Ăąge par son zĂšle religieux, son courage et sa bravoure pour dĂ©fendre ce qu’il croyait ĂȘtre la vĂ©ritĂ©. Elle Ă©tait aussi marquĂ©e par la violence et la brutalitĂ© envers ceux qui croyaient que le Christ Ă©tait le Messie et qu’il Ă©tait ressuscitĂ© des morts. Ces affirmations l’encourageaient dans la persĂ©cution intraitable de l’Église primitive. Heureusement, les derniĂšres annĂ©es de sa vie ont Ă©tĂ© tout Ă  fait diffĂ©rentes puisqu’il vivait pour Christ et pour l’avancĂ©e de son Royaume.

Naissance de Paul

Actes 22.3

« 1 Mes frĂšres et mes pĂšres, dit-il, Ă©coutez, je vous prie, ce que j’ai Ă  vous dire pour ma dĂ©fense. 2 Lorsqu’ils l’entendirent parler en hĂ©breu, le calme se fit plus grand encore. Paul reprit : 3 Je suis juif. Je suis nĂ© Ă  Tarse en Cilicie, mais j’ai Ă©tĂ© Ă©levĂ© ici Ă  JĂ©rusalem. C’est Gamaliel qui fut mon maĂźtre ; il m’a enseignĂ© avec une grande exactitude la Loi de nos ancĂȘtres, et j’étais un partisan farouche de la cause de Dieu, comme vous l’ĂȘtes tous aujourd’hui. »

Son nom de naissance Ă©tait Saul. Il est nĂ© Ă  Tarse, en Cilicie, Ă  l’extrĂȘme Sud-Est de la province turque, vers 1-5 ap. J.-C. Il Ă©tait HĂ©breu, de la tribu de Benjamin. À l’Ăąge de 13 ans, Saul a Ă©tĂ© envoyĂ© en Palestine afin d’y Ă©tudier auprĂšs d’un rabbin du nom de Gamaliel, qui lui a enseignĂ© l’histoire juive, les Psaumes et les prophĂštes. Son Ă©ducation a durĂ© cinq Ă  six ans et lui a permis notamment d’apprendre Ă  Ă©tudier les Écritures. C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’il a appris Ă  maĂźtriser une mĂ©thode pĂ©dagogique basĂ©e sur des questions-rĂ©ponses, qu’on appelait Ă  l’Ă©poque la « diatribe », et dont les rabbins se servaient pour dĂ©battre des dĂ©tails de la Loi juive, afin de dĂ©fendre ceux qui la respectaient ou d’accuser ceux qui la violaient. Saul est devenu avocat et Ă©tait sur la bonne voie pour devenir membre du SanhĂ©drin, la cour suprĂȘme juive, composĂ©e de 71 membres qui statuaient sur toute question relative Ă  la religion et aux mƓurs. Saul Ă©tait zĂ©lĂ© et sa foi ne tolĂ©rait aucun compromis. C’est ce zĂšle qui l’a menĂ© au fanatisme religieux.

Philippiens 3 :5-6

« 5 Moi, circoncis le huitiĂšme jour, de la race d’IsraĂ«l, de la tribu de Benjamin, HĂ©breu nĂ© d’HĂ©breux; quant Ă  la loi, Pharisien; 6 quant au zĂšle, persĂ©cuteur de l’Église; irrĂ©prochable, Ă  l’égard de la justice de la loi. »

Les parents de Paul

Les parents de Saul Ă©taient des Pharisiens issus d’un courant du judaĂŻsme caractĂ©risĂ© par sa ferveur nationaliste et sa stricte adhĂ©sion Ă  la Loi de MoĂŻse.Ils cherchait Ă  protĂ©ger leurs enfants contre toute contamination par les non-Juifs. Alors que la famille de Saul mĂ©prisait certainement tout ce qui Ă©tait liĂ© de loin ou de prĂšs Ă  la culture grecque, il parlait couramment grec et assez bien latin. La langue de leur foyer Ă©tait probablement l’aramĂ©en, dĂ©rivĂ© de l’hĂ©breu, la langue officielle de la JudĂ©e. Saul et sa famille Ă©taient citoyens romains, mais considĂ©raient JĂ©rusalem comme leur ville sainte.

Pharisien Ă  JĂ©rusalem

Paul arrive Ă  JĂ©rusalem pour acquĂ©rir une formation rabbinique. L’enseignement qu’il devait recevoir Ă©tait fondĂ© sur la pratique de la Loi (Écriture et Tradition des PĂšres). À ce moment, ce sont les Pharisiens qui occupent la scĂšne. La plupart des Ă©coles de scribes se rattachent aux Pharisiens. Paul aura pour maĂźtre un Pharisien, Gamaliel 1er l’Ancien (Ac. 22:3), qui est mentionnĂ© en Ac. 5:34-39. Il se rattachait au courant de Hillel et jouissait d’un grand prestige parmi ses contemporains (Ac. 5:34) et dans la tradition juive. C’est un des rares docteurs Ă  avoir Ă©tĂ© nommĂ© raban, titre plus honorifique que celui de rab ou rabbi. Une vieille tradition chrĂ©tienne, sans doute fondĂ©e sur son attitude en Ac. 5, l’a poussĂ© Ă  se convertir au christianisme.

Paul a appris aux pieds de Gamaliel les rĂšgles de l’interprĂ©tation des Écritures Ă©laborĂ©es par Hillel : raisonnement Ă  fortiori ; raisonnement par analogie ; induction d’un principe Ă  partir d’un passage de l’Écriture, Ă  partir de deux passages ; gĂ©nĂ©ral et particulier, particulier et gĂ©nĂ©ral ; Ă©lucidation d’un passage de l’Écriture Ă  partir d’un passage analogue ; dĂ©duction Ă  partir du contexte. Paul recourt souvent Ă  ces rĂšgles pour l’interprĂ©tation des textes des Écritures qu’il cite.

En plus de l’interprĂ©tation des Écritures, Paul devait apprendre Ă  rĂ©soudre tous les problĂšmes de casuistique. Il Ă©tait sĂ»rement un brillant disciple ; son zĂšle l’a vite fait remarquer puisqu’il a jouĂ© un rĂŽle important alors qu’il Ă©tait encore jeune. Cette importance a d’ailleurs augmentĂ© avec le temps ; Paul, en effet, a Ă©tĂ© le moteur de la persĂ©cution contre les chrĂ©tiens ( Ga. 1:12ss). Il a choisi de suivre la tendance la plus rigide au sujet de la Loi. Il s’est ainsi engagĂ© Ă  pratiquer la mission juive auprĂšs des paĂŻens selon les critĂšres les plus sĂ©vĂšres, en prĂȘchant la circoncision pour quiconque voulait embrasser le judaĂŻsme. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre Ga. 5:11.

Le problĂšme fondamental auquel le futur apĂŽtre a Ă©tĂ© confrontĂ© a Ă©tĂ© la question du salut. Il le considĂ©rait tout d’abord sur le plan moral, c’est-Ă -dire comme le passage du pĂ©chĂ© Ă  la saintetĂ©. Il y avait, en outre, un aspect juridique en rapport avec la Loi ; il fallait accomplir cette Loi et y ĂȘtre fidĂšle, pour devenir juste. De plus, ce salut devait ĂȘtre conçu de maniĂšre cosmique. On attendait la rĂ©surrection des corps et la dĂ©livrance de la crĂ©ation. Le salut devait s’opĂ©rer de façon historique et collective Ă  travers le peuple Ă©lu pour sauver ses membres et, Ă  travers eux, les autres peuples. Cela se ferait dans les derniers temps et autour d’un chef, le Messie.

Motifs de la persécution

Pour expliquer la persĂ©cution des chrĂ©tiens, Paul parle de son zĂšle (Ga. 1:14 ; Ph. 3:6). Il s’agit pour lui d’un attachement passionnĂ© qui doit caractĂ©riser tous les membres de l’alliance. Le zĂšle est liĂ© Ă  l’idĂ©e d’un dieu jaloux ainsi qu’intransigeant et l’on trouve dans l’A.T. de nombreuses illustrations de cette ferveur: le zĂšle de PhinĂ©as (Nb. 25), d’Élie, de Mattathias, dans la pĂ©riode des MaccabĂ©es. Mal compris, il aboutit au fanatisme et c’est ainsi qu’apparaĂźt le mouvement zĂ©lote. Ce dernier veut se donner pour tĂąche de purifier la Palestine des Romains. On peut penser que Paul ait ressenti une sympathie pour eux sans en ĂȘtre un.

Il n’y a pas eu un seul motif Ă  la persĂ©cution des chrĂ©tiens. La proclamation de l’Ă©noncĂ© voulant qu’un crucifiĂ© Ă©tait le Messie a dĂ» scandaliser les Juifs et surtout Paul qui savait que la Loi disait maudit quiconque qui avait Ă©tĂ© pendu (Deut. 21:23 ; Ga. 3:13). Certes d’autres Juifs prĂ©tendaient ĂȘtre le Messie, sans pour autant ĂȘtre poursuivi par les autoritĂ©s juives. Mais le cas de JĂ©sus Ă©tait particulier, car il a Ă©tĂ© condamnĂ© par le SanhĂ©drin. Le proclamer donc Messie, et mĂȘme Fils de Dieu, c’Ă©tait dĂ©noncer du mĂȘme coup cette autoritĂ© et saper son pouvoir. Par ailleurs, le christianisme Ă©tait considĂ©rĂ© comme un reniement de l’hĂ©ritage juif et une imposture. Paul pressentait que la place d’IsraĂ«l, du Temple et de la Loi Ă©taient en cause dans ce nouveau mouvement. Le discours d’Étienne a sĂ»rement fait prendre conscience Ă  Paul de la menace que reprĂ©sentait la nouvelle doctrine pour sa foi. Il ne faisait pas de distinction entre hellĂ©nistes et hĂ©breux qui s’attachaient encore Ă  la Loi. Son fanatisme ne lui permettait pas d’entrer dans des considĂ©rations typiquement modernes, d’autant plus qu’il ne devait pas connaĂźtre les diffĂ©rences entre les deux groupes. Pour lui, il fallait mettre fin Ă  la secte en poursuivant ses adeptes jusqu’Ă  la mort. Étienne a Ă©tĂ© la premiĂšre victime.

La conversion

On trouve trois récits de la conversion de Paul dans le livre des Actes (Ac. 9 ; 22:4-21 ; 26:9-18), que nous présentons sous forme de synopse :

Ces trois rapports ont des accents diffĂ©rents. Ac. 9 donne une grande importance Ă  Ananias. Ac. 22 insiste sur le passĂ© de Juif zĂ©lĂ© et le discours est adressĂ© Ă  des Juifs. Il distingue l’Ă©vĂ©nement de Damas d’une autre vision qui lui est accordĂ©e dans le temple (v. 21) oĂč il reçoit l’ordre d’aller prĂȘcher aux nations. Ac. 26 ne mentionne pas Ananias, mais le message reçu sur le chemin de Damas est prolongĂ© et explicitĂ© dans le sens de la mission. Les trois rĂ©cits comprennent le prĂ©ambule sur la persĂ©cution ainsi que le rĂ©cit de la conversion et se prolongent par la mention de la prĂ©dication Ă  Damas ainsi que de la visite Ă  JĂ©rusalem jusqu’au dĂ©part pour Tarse. Concernant Ac. 9, on a voulu y voir un rĂ©cit soigneusement composĂ©, qui a recours Ă  de nombreux motifs de l’A.T. , tels que la lumiĂšre, la chute et la vision, pour conclure qu’il ne peut ĂȘtre la transcription des faits tels qu’il se sont dĂ©roulĂ©s. En outre, on accuse les trois rĂ©cits de ne pas se complĂ©ter exactement ; certains mĂȘme disent qu’il y a des contradictions. C’est tenir Luc pour un piĂštre Ă©crivain que de l’accuser ainsi. Comment ne se serait-il pas rendu compte de ces grossiĂšres contradictions ? En rĂ©alitĂ©, il faut tenir compte des auditoires visĂ©s par les rĂ©cits pour voir que chaque fois le mĂȘme Ă©vĂ©nement est rappelĂ© d’un point de vue particulier. Le premier rĂ©cit est celui de l’historien Luc et le deuxiĂšme est celui de Paul, le personnage central de ce mĂȘme rĂ©cit. Pourquoi Paul aurait-il Ă©tĂ© obligĂ© de raconter exactement les mĂȘmes dĂ©tails chaque fois qu’il racontait son expĂ©rience ? La soi-disant contradiction n’est en fait qu’une autre confirmation de la haute valeur historique des Actes.

Les faits rapportĂ©s par Luc sont appuyĂ©s par les propres paroles de Paul. Il les rappelle dans Ga. 1:15-16a. Cette phrase est d’une importance capitale, car elle constitue le nerf de l’argumentation en cette premiĂšre partie de l’Ă©pĂźtre : montrer l’origine divine de la mission de l’auteur. Paul reçoit une rĂ©vĂ©lation qui lui donne accĂšs Ă  la connaissance du Fils. Par ailleurs, l’apĂŽtre affirme avoir vu le Seigneur. « Ne suis-je pas apĂŽtre, dit-il aux Corinthiens, n’ai-je pas vu le Seigneur ? (1Co. 9:1) » C’est ce qui fait de lui un apĂŽtre au mĂȘme titre que les autres apĂŽtres. Paul se proclame donc comme un authentique tĂ©moin de la rĂ©surrection du Christ, ce qu’il dit aussi en 1Co. 15:5-7 ; les deux textes renvoient sĂ»rement Ă  ce qu’il a vĂ©cu sur le chemin de Damas. Un autre passage permet d’ajouter Ă  la vision et Ă  la rĂ©vĂ©lation: celui sur la lumiĂšre. Paul, s’Ă©tendant sur la grandeur et la faiblesse du ministĂšre apostolique, Ă©crit en 2Co. 4:6 : « En effet, le Dieu qui a dit : “ que du sein des tĂ©nĂšbres brille la lumiĂšre ” est celui qui a brillĂ© dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ. » Les trois Ă©lĂ©ments de l’expĂ©rience de Paul tels qu’il en parle se retrouvent dans la description qu’en fait Luc. Cette expĂ©rience n’est pas progressive ; c’est une transformation immĂ©diate comme le souligne le aussitĂŽt de Ga. 1:16.

La vocation de Paul

L’expĂ©rience de Paul a Ă©tĂ© expliquĂ©e de nombreuses maniĂšres. Klausner y a vu une crise d’Ă©pilepsie. D’autres, en s’appuyant sur Ro. 7, l’ont interprĂ©tĂ©e dans le sens d’une solution Ă  un conflit intĂ©rieur que Paul aurait connu en tant que Juif. Mais cela est absolument contraire Ă  ce qu’il dit lui-mĂȘme. Bien loin de vivre un conflit, il se vantait et tirait un grand orgueil de son respect scrupuleux de la Loi. L’interprĂ©tation existentialiste identifie la conversion de Paul Ă  une nouvelle comprĂ©hension de soi. « La conversion de Paul, c’est la rĂ©solution d’abandonner toute sa comprĂ©hension de soi antĂ©rieure, que le message chrĂ©tien mettait en question, et de comprendre son existence d’une maniĂšre nouvelle. » Le chemin de Damas signifie certainement une nouvelle comprĂ©hension de sa relation avec Dieu et le monde,  mais cette comprĂ©hension suit l’expĂ©rience ; elle en est le rĂ©sultat et non le contenu. C’est la signification profonde. Certains ont pensĂ© que Paul a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une rĂ©vĂ©lation intĂ©rieure.

La maniĂšre dont Paul parle de son expĂ©rience initiale montre qu’elle est Ă  ses yeux l’Ă©vĂ©nement dĂ©cisif de sa vie de chrĂ©tien et d’apĂŽtre. Sa rencontre avec le Christ est, pour lui, l’appel au ministĂšre et au dĂ©ploiement du zĂšle vrai ; c’est l’accueil d’une mission divine qui lui est confiĂ©e. Depuis Damas, Paul se sait appelĂ© Ă  ĂȘtre apĂŽtre. On ne peut parler de sa « conversion » sans parler de sa vocation au ministĂšre apostolique. La direction de sa mission lui est clairement indiquĂ©e : « ramener Ă  l’obĂ©issance de la foi toutes les nations (Ro. 1:5). » Il est choisi, appelĂ©, envoyĂ© et la direction maĂźtresse de sa mission est indiquĂ©e. Et l’on pourrait dire que Paul a toujours une conscience aiguĂ« de sa responsabilitĂ© ; il se savait un privilĂ©giĂ© du Seigneur et lui en a Ă©tĂ© totalement reconnaissant, mais aussi il a Ă©tĂ© surtout dĂ©vouĂ© (1Co. 15:9 ; Phil. 1:21ss). Le souvenir de cet Ă©vĂ©nement suscitait en lui une immense reconnaissance. Il le comparait aux vocations prophĂ©tiques de l’Ancien Testament, celle de JĂ©rĂ©mie en particulier (Ga. 1) et aussi Ă  la vocation du serviteur de l’Éternel.

La premiĂšre visite Ă  JĂ©rusalem

Elle est mentionnĂ©e en Ga. 1:18 et Ac. 9:26ss. Elle se situe trois ans aprĂšs la conversion de Paul. Les prĂ©sentations des deux sources sont assez diffĂ©rentes. Dans le livre des Actes, on a l’impression d’un voyage plus important, plus communautaire, car Paul est introduit auprĂšs des apĂŽtres, il leur relate ses expĂ©riences, il va et vient avec eux. Il est fait mention aussi d’un ministĂšre auprĂšs des hellĂ©nistes. Galates donne l’impression d’une rencontre plus restreinte, plus intime. La visite elle-mĂȘme est de durĂ©e plus limitĂ©e, quinze jours, et son motif est de faire la connaissance de CĂ©phas. Il ne faut pas voir dans l’emploi du verbe « faire la connaissance » le dĂ©sir de Paul de s’informer auprĂšs de Pierre sur les actes et les paroles de JĂ©sus. Paul ne s’est pas assis comme un disciple aux pieds de Pierre, lui qui n’a cessĂ© de revendiquer son Ă©galitĂ© avec tous les apĂŽtres. Et, s’il voulait avoir des informations sur la crucifixion, c’est Ă  Jean, qui Ă©tait restĂ© auprĂšs de la croix, qu’il aurait dĂ» s’adresser. Paul ne voit aucun autre apĂŽtre que Jacques. On retiendra qu’il y a une diffĂ©rence de prĂ©sentation sensible, sans incompatibilitĂ© absolue, surtout que Jacques a le statut d’apĂŽtre et qu’il y a probablement une distinction entre les Églises de JudĂ©e et l’Église de JĂ©rusalem. Paul s’intĂ©resse Ă  ses relations personnelles avec les autres apĂŽtres. Il veut montrer qu’il ne dĂ©pend pas d’eux. Luc s’intĂ©resse au ministĂšre de Paul, Ă  son accueil Ă  JĂ©rusalem et Ă  son travail parmi les hellĂ©nistes. C’est pendant ce sĂ©jour que Paul a eu la vision dans le temple au cours de laquelle le Christ lui enjoignit de quitter JĂ©rusalem et de se tourner vers les nations (Ac. 22:17-21).


MinistĂšre en Syrie et en CĂ©cilie

AprĂšs sa visite Ă  JĂ©rusalem, Paul fera un long sĂ©jour en Syrie et en Cilicie. Ga. 2:1 dit que ce sĂ©jour a durĂ© 14 ans. Luc, bien qu’au courant de ce sĂ©jour puisqu’il dit qu’on est venu chercher Paul Ă  Tarse (Ac. 11:25), n’en parle pas. Nous savons aussi que la lettre rĂ©digĂ©e au cours de l’assemblĂ©e des apĂŽtres a Ă©tĂ© envoyĂ©e aux Églises d’Antioche, de Syrie, et de Cilicie (Ac. 15:23). Qui les a fondĂ©es et quand ? Probablement Paul pendant les 14 annĂ©es de Ga. 2:1. On peut penser que ce ministĂšre n’a pas Ă©tĂ© facile, que Paul a subi des vexations de toute nature, surtout de la part des Juifs. Quand on pense à 2 Co. 11, on peut croire qu’une partie des difficultĂ©s dĂ©crites ont eu lieu dans le cadre de ce ministĂšre. Pourquoi avoir choisi ces rĂ©gions ? Peut-ĂȘtre par attachement Ă  son pays natal ; peut-ĂȘtre aussi parce que l’apĂŽtre avait arrĂȘtĂ© un projet d’Ă©vangĂ©lisation de toutes les nations dĂšs sa conversion.

MINISTERE À ANTIOCHE

AprĂšs le ministĂšre en Syrie et en Cilicie, Ga. mentionne le 2e voyage Ă  JĂ©rusalem. Mais Luc indique que Paul s’est rendu Ă  Antioche (Ac.11:26). La fondation de l’Église d’Antioche est due Ă  la persĂ©cution ; elle fut en effet l’Ɠuvre des dispersĂ©s venus de la ville de JĂ©rusalem et qui parlent aux grecs (Ac. 11:19ss). C’est Barnabas qui va le chercher Ă  Tarse pour l’amener Ă  l’Église, sans doute Ă  cause du nombre Ă©levĂ© de personnes et peut-ĂȘtre Ă  cause de la prĂ©sence des pagano-chrĂ©tiens. Ce ministĂšre d’enseignement est important, car il se dĂ©roule dans une Église comptant un grand nombre de disciples, « une foule considĂ©rable », et en raison de sa structure (Ac. 13:1). Paul, qui avait travaillĂ© seul jusqu’Ă  prĂ©sent, va profiter de l’appui de cette communautĂ©. C’est elle qui va soutenir l’entreprise missionnaire et sera une plaque tournante du ministĂšre de Paul et de ses compagnons.

Évangile de Jean 3:16-18

Dieu a tellement aimĂ© le monde qu’il a donnĂ© son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie Ă©ternelle. Car Dieu a envoyĂ© son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvĂ©. Celui qui croit en lui Ă©chappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est dĂ©jĂ  jugĂ©, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

Apprends-moi à voir !

Ce court fragment du dĂ©but de l’Évangile de Jean introduit une mĂ©ditation qui vient Ă  la fin de la conversation de JĂ©sus avec NicodĂšme, un notable Pharisien. NicodĂšme voulait absolument rencontrer JĂ©sus dont la rĂ©putation de maĂźtre de sagesse Ă©tait grande. Il est alors venu de nuit, en cachette, pour ne pas se compromettre auprĂšs des autres membres de sa famille spirituelle. Il est venu de nuit, mais il cherchait de la clartĂ© ! JĂ©sus pourrait-il lui en offrir ? Celui-ci lui parle de renaissance, de vent, de lumiĂšre, de ciel, d’esprit. Il lui partage son paysage intĂ©rieur. Ne serait-ce pas cela converser vraiment : ouvrir la porte de nos univers rĂ©ciproques ? Mais cela suppose de savoir nous Ă©couter en profondeur. JĂ©sus fait donc entendre que, dans son univers, il y a place pour un ultime Dieu, qui, pour lui, ressemble Ă  un cƓur, un immense cƓur. Les mots sont lĂ  : c’est un aimant, un donateur, un sauveur. JĂ©sus ne semble jamais en avoir doutĂ©, mĂȘme aux pires heures, comme s’il vivait dans une confiance radicale en un « trĂšs bon ». D’ailleurs, telle est la question rĂ©currente qu’il fait sans cesse retentir : en quoi et en qui nous mettons notre cƓur ? L’enjeu n’est pas mince : si c’est dans le « bon », nous aurons un regard de bontĂ© sur le monde, les autres et les Ă©vĂ©nements. Si c’est dans le « mauvais », notre regard sera de l’ordre d’un jugement de mĂ©pris, d’irrespect et sans doute d’exclusion. Mais on pourrait objecter que la rĂ©alitĂ© n’a rien d’angĂ©lique et qu’il ne faut pas ĂȘtre naĂŻf devant le nĂ©gatif. On ne peut donc pas tout accepter ni tout cautionner. Certes, cependant, on peut encore aimer le monde mĂȘme quand son visage est terrible. C’est lĂ  que JĂ©sus demeure un interrogateur incisif : est-ce que nous savons aimer bien, Ă  la maniĂšre de Dieu ? Car on peut aimer mal, par exemple, quand aimer revient Ă  jalouser, Ă  enfermer, Ă  possĂ©der, Ă  idolĂątrer,ou encore Ă  mĂ©priser ce qui ne rentre pas dans nos catĂ©gories familiĂšres. Or, c’est lĂ  la justesse et la grandeur du cƓur de Dieu : ĂȘtre capable de regarder l’autre, le monde et soi du cĂŽtĂ© oĂč ils peuvent vivre. Ainsi le jugement est dĂ©passĂ© ou plutĂŽt le jugement qui condamne ou qui anĂ©antit est lui-mĂȘme jugĂ©. Pour JĂ©sus, il n’y a pas d’hommes ou de femmes condamnĂ©s Ă  jamais. MĂȘme quand tel ou tel fait l’objet d’un regard dĂ©sespĂ©rĂ© ou qu’il est mis Ă  l’écart, il reste dĂ©sirĂ© par un cƓur plus grand. Et cela vaut pour le « monde », c’est-Ă -dire pour tous et en toute situation. Croire, c’est tout simplement entendre que nous ne sommes pas enfermĂ©s dans le jugement. Car le malheur du jugement est qu’il prĂ©tend dĂ©cider de ce qu’est l’ĂȘtre et Ă  jamais. Alors que le bonheur du salut est d’entrevoir qu’une renaissance nous est encore, et toujours, possible. Être « sauf », c’est retrouver du large ! Nous sommes tout le temps habitĂ© par ce clivage : juger et s’enfermer dans ce que nous croyons ĂȘtre la vĂ©ritĂ© de l’autre et de soi ou bien entendre que nous n’avons pas encore fait le tour de la richesse mystĂ©rieuse de l’ĂȘtre. La question est alors de travailler sur l’ouverture de notre propre cƓur. La vie selon l’Esprit dont parle si souvent JĂ©sus ne sera-t-elle pas une qualitĂ© du regard et de l’écoute, un art de voir grand, une acuitĂ© du discernement telle que, mĂȘme dans la profonde pĂ©nombre du pĂ©chĂ©, du dĂ©sespoir ou de la tragĂ©die, nous restions capables de nous laisser Ă©blouir par le scintillement d’un sourire indulgent, la tendresse d’une prĂ©sence, l’insouciance du jeu, le murmure du vent, le luxe d’ĂȘtre vivant ? Peut-ĂȘtre que l’une des voies de salut passe par une capacitĂ© sans cesse renouvelĂ©e de contemplation !